L’illusion de l’IA : ruée vers l’or, château de cartes et pièges numériques pour les entreprises

L’illusion de l’IA : ruée vers l’or, château de cartes et pièges numériques pour les entreprises

Une rentrée déjà bouleversée : tout s’imbrique

Dans un précédent article publié pour la rentrée sur KV2, nous évoquions déjà les risques, les défis et les pièges à anticiper. Or, avant même septembre, le paysage se recompose.

Ce n’est pas seulement une question de nouvelles annonces ou de changements d’algorithmes : c’est un enchaînement global. Les positionnements commerciaux des géants du numérique, les financements massifs des fonds de capital-risque, la politique mondiale, la guerre des puces autour de Nvidia, les tensions géopolitiques… tout s’imbrique et crée des boucles de rétroaction qui descendent jusqu’aux TPE/PME.

Conséquence : des effets pervers potentiellement violents pour les entreprises déjà fragilisées par une dette technique accumulée depuis des années.

Adoption massive… mais précipitée

L’intelligence artificielle s’impose partout : dans le code source, les outils SaaS, les stratégies marketing. En France, on se lance comme dans un eldorado : « il faut en faire », même sans comprendre.

Résultat : des solutions fragiles, des emails mal alignés, des infrastructures peu sécurisées, des données mal gérées. Un château de cartes prêt à s’écrouler.

Le mirage du financement facile

Nous avons déjà connu ce scénario. Netflix, Uber, WeWork, Spotify : tous ont bâti leur domination sur des modèles artificiellement soutenus par le capital-risque. Prix cassés, abonnements subventionnés, croissance à perte… puis la réalité économique.

L’IA suit la même trajectoire. Les grands modèles coûtent des milliards à entraîner et à maintenir (MIT Tech Review), mais sont proposés à des tarifs dérisoires car dopés aux fonds américains (The Economist).

Nous ne payons pas le vrai prix de l’IA. Quand les subventions s’arrêteront, la rentabilité deviendra explosive, et pour les utilisateurs, ce sera une addition salée.

Dépendance aux API : l’illusion de la maîtrise

Dans 90 % des cas, « faire de l’IA » en entreprise signifie consommer des API externes (OpenAI, Microsoft, Google, Anthropic). Une simple inspection du code source suffit pour le constater.

Beaucoup d’acteurs se présentent comme experts IA, alors qu’ils ne sont que de simples utilisateurs d’API. Un vrai expert conçoit des modèles, gère l’entraînement, comprend l’architecture. Se dire “expert IA”, c’est comme se dire “expert Facebook” : ça ne veut rien dire.

Les entreprises achètent donc l’illusion d’une IA spécifique, alors qu’elles ne font que louer un service tiers. Dès qu’un fournisseur change ses tarifs, modifie ses règles ou connaît une panne, tout s’écroule. C’est un goulot d’étranglement technologique : dépendance massive à quelques acteurs mondiaux.

Fragilité structurelle et perte de savoir-faire

La dette technique des entreprises françaises était déjà lourde avant l’IA. Avec elle, elle s’aggrave.

Grâce au no-code et aux API, n’importe qui peut monter un service en quelques jours. Mais derrière, on retrouve toujours les mêmes failles : sites sans redondance, bases de données exposées, sauvegardes inexistantes, dépendance à un seul fournisseur.

Pire : en remplaçant l’humain par un LLM, les entreprises perdent leur savoir-faire. Une IA peut générer du texte ou du code, mais elle ne remplacera jamais l’intuition, l’expérience terrain ou la créativité. À long terme, l’entreprise devient plus rigide, moins innovante, prisonnière d’outils qu’elle ne maîtrise pas.

Un historique qui se répète

Avec vingt ans de recul, on voit bien que la rapidité a toujours primé sur la solidité.

L’arrivée de WordPress a permis de déployer rapidement des sites vitrines et des e-commerces. Mais derrière cette démocratisation : serveurs piratés, cartes bancaires compromises, failles massives.

Aujourd’hui, l’IA rejoue ce scénario, mais à une échelle plus critique. Nous ajoutons une couche d’instabilité dans un vase déjà plein de dette technique et d’infrastructures fragiles.

Le piège des solutions faciles et des SaaS enfermants

Pour un décideur, un site créé sur un builder glisser-déposer paraît parfait : visuel agréable, mise en ligne rapide. Mais pour un professionnel, c’est une simple vitrine, sans stratégie marketing, sans SEO, sans ROI.

Paradoxalement, ces vitrines coûtent très cher… et ne rapportent rien. C’est ce qui amène certains dirigeants, en 2025, à dire qu’Internet ne sert à rien. Une aberration totale, conséquence directe de budgets engloutis dans de mauvaises solutions.

Certaines filiales issues de grands groupes historiques continuent de vendre des sites « clé en main » ou des encarts publicitaires hors de prix, sans valeur en référencement. Et les SaaS propriétaires enferment les entreprises dans des écosystèmes coûteux, verrouillés, difficiles à quitter.

L’IA appliquée sans réflexion risque de reproduire le même schéma : séduction, captivité, perte de performance.

L’ère des pseudo-experts et des influenceurs

Après les pseudo-experts SEO, voici les pseudo-experts IA. Vendeurs de rêve, commerciaux rebaptisés consultants, influenceurs en vidéos courtes : tous profitent de la complexité du numérique pour séduire des dirigeants déboussolés.

Résultat : projets mal conçus, budgets engloutis, années perdues, visibilité détruite et parfois réputation abîmée.

Red Flags : les signaux d’alerte

  • Les experts IA autoproclamés, qui ne sont que des utilisateurs d’API externes. Ce ne sont pas des concepteurs, pas des chercheurs.
  • Les experts SEO sans bagage technique : difficile de parler de SEO sérieux sans comprendre serveurs, DNS, logs, code.
  • Le distingo trompeur : d’un côté, le SEO technique (infrastructures, code, serveurs), de l’autre le SEO contenu, trop souvent réduit à du remplissage automatique. Ce “SEO contenu”, c’est du scriptkidding, du bricolage vendu par des vendeurs de clous.
  • Les offres “magiques” qui refusent de détailler l’architecture, les SLA ou les plans de sortie.
  • Les sites vitrines facturés très cher, mais sans ROI : pas de trafic organique, pas de conversions.

Effets de bord et lecture impossible

Le vrai problème, ce sont les effets de bord. La vitesse d’arrivée des technologies, leur empilement, et la communication qui les entoure rendent la lecture impossible pour un dirigeant de PME. Beaucoup vivent dans une forme d’irréalité : entre promesses de rentabilité immédiate et incapacité à évaluer ce qui est fiable.

C’est un nœud gordien : infrastructures fragiles, dettes techniques, dépendances aux API, illusions marketing, perte de savoir-faire. Chaque nouvelle technologie ne résout rien, elle ajoute une couche supplémentaire d’instabilité.

Conclusion

L’IA est un levier d’innovation puissant. Mais sans stratégie claire, elle risque de devenir un miroir aux alouettes.

Comme avec les CMS, le e-commerce ou les SaaS propriétaires, l’histoire se répète : une technologie déployée trop vite, mal maîtrisée, exploitée par des vendeurs de solutions faciles.

Chez KV2, nous appelons les entrepreneurs à garder les pieds sur terre : comprendre ce qu’ils achètent, sécuriser leurs infrastructures, et intégrer l’IA comme un outil stratégique, pas comme une promesse miracle.