Alors qu’aux États-Unis, l’IA est partout — dans les conventions médicales, agricoles, juridiques, jusqu’aux grands salons tech où chaque stand exhibe son « module IA » — les chiffres viennent refroidir l’enthousiasme. Le MIT Media Lab, dans son rapport The GenAI Divide: State of AI in Business 2025, a révélé que 95 % des projets d’IA générative en entreprise échouent à générer le moindre retour financier (Tom’s Hardware, août 2025).
Pendant ce temps, en France, les illusions continuent : vendeurs de rêves, influenceurs sur YouTube ou LinkedIn, et solutions « miracle » qui promettent l’IA pour tous, sans vision stratégique ni maîtrise technique.
Aux États-Unis : l’heure des comptes
Le rapport du MIT est sans appel :
- 95 % des pilotes d’IA n’ont pas d’impact sur les résultats.
- Les entreprises ont dépensé 30 à 40 milliards de dollars, parfois jusqu’à 44 milliards, pour des résultats quasi nuls (Times of India, TechRadar).
- Les solutions achetées à des prestataires réussissent deux fois plus souvent que les projets développés en interne (Wikipedia).
- L’échec s’explique par une mauvaise intégration dans les workflows, une absence de mémoire/contextualisation et des budgets mal orientés (trop vers le marketing, pas assez vers l’automatisation du back-office).
Résultat : la bulle IA aux États-Unis se dégonfle, les marchés tremblent, et la comparaison avec la bulle Internet refait surface (New Yorker).
En France : le chant des sirènes
Ici, le décalage est frappant.
- Les copywriters LinkedIn d’hier se sont reconvertis en « experts SEO/IA ».
- Sur YouTube et Instagram, ils passent leurs journées à séduire les PME avec un discours envoûtant, mais vide.
- Leur arme ? Des solutions d’automation couplées à l’IA qui promettent des miracles, mais ne produisent que des coquilles vides.
Avec des outils comme Cursor ou Lovable, qui peuvent générer des sites entiers en quelques clics, la différence entre un vrai site pro et une vitrine bricolée devient floue pour le néophyte. Comme avec Wix, l’illusion est parfaite… mais elle reste une illusion.
La prolifération des pseudo-SaaS
On voit également fleurir une multitude de pseudo-SaaS bricolés en quelques semaines, vendus comme des solutions professionnelles alors qu’ils ne sont que des poubelles :
- Pas de sécurité sérieuse,
- Pas de PCA (plan de continuité d’activité) ni de PRA (plan de reprise après sinistre),
- Des dépendances totales à OpenAI ou à d’autres API externes.
Ces « produits » sont mis en production, vendus aux PME, et donnent une impression de professionnalisme… mais le vernis craque dès la première panne.
La réalité des sites professionnels en 2025
Un site internet « one-click », c’est facile : du texte, des images, mis en ligne en quelques secondes via des registrars ou des plateformes. Mais un site professionnel, c’est bien plus complexe :
- Intégration avec des écosystèmes tiers (CRM, ERP, Google, sécurité).
- Adaptation permanente aux changements imposés par les grandes plateformes.
- Interfaçage avec des services critiques (paiement, RGPD, API).
Les coûts ont donc augmenté, et la technicité aussi. Pourtant, en France, beaucoup de dirigeants de PME pensent encore qu’un site web ne sert à rien.
- 21 % des TPE/PME n’ont pas de site, et parmi elles, une majorité estime qu’« un site web n’est pas utile à leur activité » (Insee, 2023).
- 40 % des dirigeants de TPE sans site partagent la même idée (AFNIC/CSA 2022).
Un constat souvent lié aux mauvaises expériences : escroqueries, prestataires douteux, sites inefficaces. Ils pensent avoir eu affaire à des « vrais » sites professionnels, alors qu’ils n’ont récolté aucun résultat.
La dépendance à OpenAI : une bombe à retardement
La plupart des outils reposent sur OpenAI, sans alternative sérieuse.
- Le 3 septembre 2025, les API étaient hors service toute la matinée. Des centaines de PME se sont retrouvées en panne de service, découvrant brutalement que tous leurs outils n’étaient qu’un simple import OpenAI.
- Les coûts API explosent si mal maîtrisés, et deviendront exponentiels lorsque le financement par capital-risque se tarira.
- Le plus grave : aucune redondance, aucun PCA/PRA dans la plupart de ces solutions bricolées. Pour des entreprises qui se croyaient couvertes, c’est un choc brutal.
Dette technique + IA : le cocktail explosif des PME françaises
En France, 80 à 90 % des PME traînent déjà une dette technique immense : messageries non sécurisées, serveurs obsolètes, failles connues. Ajouter l’IA sans corriger ces bases, c’est construire sur du sable.
Pire : l’IA n’est pas seulement un outil, c’est aussi une arme. Les IA offensives permettront des attaques automatisées, ciblées, pernicieuses, capables d’exploiter ces failles à grande échelle. Pour les PME mal préparées, cela pourrait être un désastre.
Mot de la fin
L’intégration de l’IA dans les entreprises peut avoir du sens si elle est réfléchie, adossée à une structure numérique solide et intégrée dans une vision long terme. Mais trop souvent, elle est perçue comme un effet de mode à adopter pour séduire des investisseurs ou pour réduire artificiellement la masse salariale.
Le risque est énorme :
- en réduisant les équipes, on fait aussi partir des compétences clés,
- ces savoir-faire humains ne se remplacent pas facilement, ni rapidement,
- leur reconstitution demande du temps et un coût de formation que beaucoup d’entreprises n’ont pas anticipé.
Pire encore, on a déjà vu des cas où des IA en production ont provoqué des désastres :
- l’assistant de codage de Replit a effacé une base de données de production et a même tenté de mentir pour cacher sa faute (eWeek),
- l’outil Whisper d’OpenAI, testé dans le médical, a « halluciné » du contenu inexistant dans 80 % des transcriptions, allant jusqu’à inventer des propos violents ou racistes (Wired).
Certains professionnels rapportent également des traces étranges dans des textes générés, qu’ils interprètent comme des marquages intégrés par les IA elles-mêmes. Des théories circulent, parfois farfelues, mais il est plausible qu’il s’agisse simplement de mécanismes de watermarking invisible, testés pour limiter le risque de model collapse ou marquer les productions à des fins de régulation (Stanford, octobre 2024).
Enfin, il faut garder une vision globale :
- la population mondiale de développeurs est estimée à 47 millions en 2025,
- les États-Unis comptent environ 4,4 millions, mais le marché de l’emploi se tend avec une baisse de 70 % des offres,
- la Chine est leader avec environ 7 millions de développeurs,
- la France plafonne autour de 533 000 développeurs (SlashData, DistantJob, Business Insider).
Ces chiffres, confrontés à l’essor précipité de l’IA dans des entreprises souvent mal préparées, posent une question simple :
👉 l’IA est-elle vraiment une opportunité de transformation… ou bien la boulette de trop pour des structures qui n’ont jamais consolidé leurs bases numériques ?